Paralysie du Sommeil
Derrière cette association sémantique étrange se cache un état neurologique particulièrement anxiogène lorsqu’il est vécu pour la première fois sans en avoir conscience. Cette expérience est plus courante qu’il n’y parait. A quoi tient –elle, qu’en penser, et est-il possible de la vivre différemment ?
Mon expérience :
Nous sommes en 1993, je suis dans une période de ma vie très intense et fatigante. J’habite Paris, et comme tous les soirs, il est tard et c’est l’heure du sommeil du juste (cf.Les misérables). Mon appartement parisien donne sur le Parc Montsouris et la ligne RER B, ce qui peut provoquer quelques désagréments en été lorsque la manutention est réalisée sur les voies à partir de 2h du matin. Ma chambre se trouve juste à coté de la salle de bain. Après ma routine du brossage de dents, je file tout droit en direction du lit qui me tend les bras….j’en peux plus…
Ma compagne est toujours dans la salle de bain allumée, moi, j’éteins ma lumière et là, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ouf », je m’endors profondément…mais pour quelques secondes seulement car Soudain je me réveille, mais pas en sursaut. En fait, j’entends ma compagne qui finit de se préparer dans la salle de bain, mais il y a quelque chose d’anormal, et je m’en rends vite compte. J’essaye de parler, d’ouvrir les yeux, de bouger……IMPOSSIBLE. Et là c’est panique à bord, comme l’impression d’être prisonnier de mon corps…..je me débats à l’intérieur, essaye de crier…..rien ne vient. L’idée de la mort me traverse bien sur l’esprit….la non compréhension de ce qui m’arrive me fait presque devenir fou….aucun repère compréhensible auquel je puisse me raccrocher. J’entends ensuite ma compagne qui me rejoint dans le lit….je veux lui dire que je ne dors pas….et puis à ce moment là, je sors de ma paralysie aussi rapidement que j’y étais entré….l'air térrorisé, le palpitant à 180, je lui explique ce qui vient de m’arriver !
Ce qu'il faut en penser !
Il m’a fallu connaitre l’hypnose (bien longtemps après) pour découvrir que ces phénomènes sont bien plus courants qu’il n’y parait, Selon le Pr Allan Cheyne qui a étudié plus de 9000 cas, 30 à 40% de la population l’aurait vécu au moins une fois dans sa vie. Ce blocage de l’activité musculaire est tout à fait normal durant le sommeil. Il évite ainsi que l’on vive physiquement ce que l’on rêve. Le corps s’endort alors que la conscience se réveille…un "entre deux", un piège entre sommeil et éveil !
David Hufford, professeur au Penn State College of Medecine (USA), a passé 30 ans à étudier le sujet. Selon lui, souvent ces expériences sont accompagnées de sensations diverses, "80% des personnes ayant vécu une paralysie du sommeil témoignent de ces perceptions extraordinaires". Perceptions Auditives, comme "des souffles, des voix, de la musique, des grincements", perceptions Visuelles, comme la distinction d’une présence, sous la forme d’une ombre, ou d’une masse sombre.
"J’ai vécu une dizaine de paralysies du sommeil lorsque j’étais étudiante", témoigne Patricia Serin, psychologue clinicienne. "J’avais l’impression qu’une ombre s’approchait de moi jusqu’à me fixer puis m’attaquer. Parfois, en pleine agression, un bourdonnement m'enveloppait, je me sentais sortir de mon corps pour m'éloigner de cette violente intrusion. J’atterrissais une fois l’entité partie, avant de plonger d’épuisement dans un sommeil profond".
Ce qu’a vécu Patricia Serin s’apparenterait biologiquement aux rêves, et nous pouvons faire alors le distinguo entre "paralysie du sommeil", ou la conscience est éveillée, mais ou le corps dors, et le "rêve lucide", ou comme dans le premier cas, le corps dors, la conscience est éveillée, mais le mécanisme qui nous permet de rêver, est également activé.
Deux mécanismes cérébraux interdépendants gèrent le sommeil, l’un nous permet de nous réveiller, tandis que l’autre nous maintient en état de rêve. Lorsqu'ils ne fonctionnent pas correctement, le premier n'inhibe plus le second, et l'on se réveille sans cesser de rêver. Dans cette situation, l’imaginaire s’active au même titre que la conscience laissant libre cours aux représentations mentales de nos peurs, de nos plaisirs, bref, de nos passions.
Selon David Hufford, cet état modifié de conscience peut s’apparenter à ceux que l’on peut atteindre volontairement via l’hypnose, certains psychotropes, ou la méditation intense. "On ne dispose pas d’une cartographie précise de ces états, mais on sait qu’ils existent".
Les éléments déclencheurs seraient :
- suractivité physique ou intellectuelle,
- horaires chaotiques,
- retard de sommeil,
- anxiété accrue,
- mort d’un proche,
- naissance d’un enfant,
- passage à l’âge adulte,
- crise de la cinquantaine,
- problème professionnel,
- difficultés socio-économiques,
- changement d’environnement…
Comment réagir alors ?
La chose la plus importante, et de savoir que cela existe, ce qui permet de supprimer la phase « terreur » de la découverte de cet état ou l’on ne sait pas ce qui nous arrive, et ce qui va nous arriver.
Il s’agit donc de se calmer, et de vivre cet instant comme un moment intéressant à explorer. Concentrer son esprit sur des choses positives et rassurantes. Admettre que l’on vit une paralysie du sommeil. Se focaliser ensuite sur une partie précise de son corps comme ses doigts, et prendre le temps de les faire bouger….ou demander à son inconscient de le faire bouger.
Si vous basculez dans le rêve lucide, et avez la visite d’une "pseudo entitée", alors restez ouvert, ayez conscience que vous pouvez jouer avec cette représentation mentale, que vous pouvez la dompter. Demandez à cette dernière ce qu’elle veut, comment vous pouvez l’aider, tout en restant ouvert, curieux mais lucide. Si vous êtes dans l’acceptation et la confiance, alors l’expérience se transformera d’elle-même. C’est un peu comme découvrir son inconscient sous hypnose.
Pour éviter que l’expérience ne se reproduise dans la foulée, David Hufford préconise d’aller allumer la lumière, de se lever et de boire un coup (plutôt de l’eau :) ). Eviter de se coucher sur le dos car la plupart des paralysies surviennent dans cette position, ce qui n’était pas mon cas, j’étais sur le coté.
Patricia Serein propose de noter tout sur un carnet afin d’apprendre à l’apprivoiser…
Bonne nuit les petits…